Les frères Caillebotte se retrouvant seuls après les décès successifs des membres de leur famille, décident de vendre la propriété de Yerres pour vivre dans un appartement boulevard Haussmann. Il se passe trois ans avant qu’ils n’acquierrent, sous l’impulsion de Gustave, une maison dotée d’un jardin sur les bords de la Seine à côté d’Argenteuil au Petit-Gennevilliers. C’est surtout à deux pas de la base du Club de Voile de Paris. Je pense pour ma part, que Gustave a envisagé ce type d’achat dès sa décision de vendre Yerres, tant son besoin de jardin est primordial.
Contrairement à Yerres, où tout est en place quand Gustave commence à peindre, le Petit-Gennevilliers est entièrement à aménager. Il faut deux-trois ans avant d’acquérir tous les terrains désirés par son propriètaire, et la maison elle-même est fondamentalement modifiée. Gustave entreprend sa propriété pour en faire le domaine qui lui correspond, comme Monet à Giverny. Bien à son image, confortable mais simple, le Petit-Gennevilliers va devenir le lieu de travail entre l’architecture navale et la peinture des fleurs et des bords de Seine, mais plus encore, le lieu où les amis peuvent séjourner dans une belle convivialité.
Le jardin, quant à lui, est aussi le reflet de son propriétaire. Austère en hiver jusqu’à la fin du printemps, avec ses parterres tirés au cordeau, il devient en été opulent et d’une densité végétale qui, dans ses toiles, tourne à l’étouffement.
cette nature enfermante, on la voyait déjà dans les toiles du début à Yerres. Mais ici, plus de famille symboliquement asphyxiante puisque Gustave a fait de sa résidence, un espace de liberté et de convivialité où seuls, les amis et son frère Martial sont invités. C’est que Gustave qui peint au travers de ses visions urbaines et sociales plutôt le vide et l’absence, cherche sur la fin de sa vie à les combler avec ce qui fait son bonheur : les amis, les fleurs.Les uns comme les autres vont être solicités pour occupper toute la place, pour ne pas la laisser à cette terrible et redoutée absence.
souvenez-vous de ces vides-là…
Imperceptiblement, l’angoisse d’une fin annoncée se précise, au détour d’une allée interrompue brutalement…
Heureusement, il y a le refuge, l’abri qui protège les espèces exotiques : la serre chauffée qu’il fait construire peu de temps avant sa mort et qui lui permet de cultiver une novatrice et impressionnante collection d’orchidées. Il en tire quatre panneaux décoratifs pour la porte de la salle à manger, où toute la verve de son pinceau s’allie à son sens aigu de la composition :
Les sublimes végétaux envahissent joyeusement et sensuellement l’espace rigide de la structure métallique, Anthuriums phalliques en bas, orchidées vaginales en haut… des thématiques chéries par Gustave.
Gustave meurt le 21 février 1894 après avoir peint une dernière fois son jardin. Il laisse inachevée une grande décoration pour la salle à manger, hélas abîmée et découpée en quatre panneaux étonnants de modernité :
De simples marguerites disséminées au hasard de la composition, comme pour nous dire une dernière fois combien il nous aimait, nous les gens modestes (acquisition récente du musée de Giverny).
Articles toujours aussi agréables à lire qu’instructifs, merci !
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